Shengal, anniversaire du génocide Vers une autonomie politique

Daech. C’est un nom qui n’est pas méconnu de nos oreilles ni de celles de la communauté internationale. ISIS, l’État islamique ou parfois simplement qualifiés de « terroristes », nous pensons directement à des hommes vêtus de noir, pillant, tuant et terrorisant les gens sur leur passage. Mais est ce que nous en savons réellement plus que cela ? Est ce que nous connaissons l’histoire des terres et des peuples qui ont subis les attaques et parfois même dû vivre sous le système politique et idéologique de cette organisation ?

Parmi ces peuples il y a la communauté Êzidi. Un peuple aux croyances et coutumes millénaires, bien avant la naissance de Jésus Christ ou de Mahomet, et porteur jusqu’à aujourd’hui de traditions et cultures très anciennes. Ils vivent aujourd’hui pour la plupart au Kurdistan Irakien ( Bashur en Kurde) et célèbrent Dieu et son représentant sur terre: l’Ange Paon. Au cours de l’histoire, ils ont subis plus de 74 génocides qui n’ont fait que réduire et émigrer leur peuple et sont aujourd’hui plus que quelques centaines de milliers dont beaucoup vivent loin de leur terre.

Il y a exactement 10 ans, en 2014, l’État Islamique en Irak est en pleine expansion et se dirige vers Mossoul. Les populations sont massacrées ou contraintes de suivre les règles de l’État Islamique, les musées et sites archéologiques remontant aux néolithiques sont pillés et détruits et l’organisation continue sa route de terreur vers les monts Shengal (Sinjar) pour reproduire la même chose sur les humains qui y vivent, les Êzidis. Daech entre dans le village de Siba Cheikh Kedir et les peshmergas, l’armée du PDK de Barzani ( Kurdistan Irakien ) qui avait le contrôle de Shengal à cette période, désarment la population et s’enfuient. Les Yézidis, privés d’armées et d’armes opposent une résistance sans failles à l’invasion. Les martyrs et leurs déterminations sont encore célébrés et racontés aujourd’hui. Leur rébellion a permis de précieuses heures pour prévenir les villages alentour et permettre à la population de s’enfuir, mais ont donné aussi un message important à leur peuple car ils incarnent la force de défendre sa terre et un symbole de résistance.

Le 3 août 2014, Daech prend la ville de Shengal. Commence alors un exil de plus, certains tentent de fuir dans les montagnes, à pieds, sous le soleil brûlant d’août, sans eau et sans nourriture, les enfants en bas âges et les vieillards aussi, on ne compte plus les morts. D’autres se font attraper ou rattraper, les hommes et les vieillards par milliers sont directement exécutés et jetés dans des fosses communes, les femmes sont séparées de leurs familles, triées et emportées pour être vendues et mariées de forces à des soldats de Daech. La gerilla des HPG ainsi que les YPG ( Forces Autodéfenses du Peuple ) et YPJ du Rojava (appelé aujourd’hui AADNES : Administration Autonome Démocratique du Nord et de l’Est de la Syrie ) sont arrivés hâtivement dans la région pour ouvrir un couloir de protection jusqu’au Rojava afin de soutenir la population. Après de nombreux mois de combats ils réussissent avec l’aide de la population à libérer Shengal. Jusqu’à aujourd’hui, des milliers de Êzidis sont toujours portés disparus, perdus dans les mains de Daech ou dans des fosses communes pas encore découvertes.

Raconter le génocide c’est empêcher que d’autres le racontent, c’est connaître son ennemi, c’est empêcher qu’il sombre dans l’oubli ou le nie, comme le gouvernement d’Erdogan qui jusqu’aujourd’hui nie et interdit de parler du génocide sur les Arméniens de 1915. Raconter le génocide c’est aussi raconter la résistance d’un peuple et poser la question de la reconstruction. Quelle guérison possible face aux traumatismes collectifs ? Pour sortir des horreurs les Yézidis ont choisi un chemin révolutionnaire, celui de s’organiser, de se protéger et de choisir leur destin soi même plutôt qu’attendre que les autres, les peshmergas, l’État Irakien, ne le fassent et les trahissent et abandonnent de nouveau.

Sous l’influence du paradigme d’Abdullah Ocalan, le 3 août 2015, un an après le génocide, des forces d’autodéfenses armées du Shengal les YBŞ et les YJŞ forces d’autodéfenses des femmes, ont été crées. En même temps un processus de construction d’une autonomie démocratique et politique s’est enclenché et depuis 10 ans la population se forme pour être armée face aux attaques extérieures tant sur le plan militaire que social.

Aujourd’hui des centaines de jeunes femmes rejoignent les rangs des YJŞ. Elles y apprennent leurs histoires, cherchent des solutions démocratiques, socialistes aux contraintes de leur région pour construire un système éthique et politique libre, adapté à leur peuple, leur culture et tradition. Les femmes et la population s’engagent chaque jour davantage dans les différentes autres structures civiles de l’administration autonome de Shengal (MXDS) pour participer au processus révolutionnaire. L’administration autonome a des assemblées ouvertes et des co-représentent.es de l’administration y sont élu.e.s pour deux années. Une structure pour le mouvement des femmes libres, TAJÊ, des comités culturels ou pour l’écologie ou encore des structures autonomes pour la jeunesse, comités médiatiques ( comme la chaîne ÇIRA TV) ont aussi été crées pour travailler sur différents thèmes et dans plusieurs domaines à l’indépendance politique de la population. Chacune des structures s’organisent démocratiquement, développant l’éducation politique à travers diverses académies et projets.

Les Êzidis de Shengal crient haut et forts qu’ils résistent, qu’ils sont toujours là et qu’ils ne laisseront plus jamais un génocide les atteindre. Parler du génocide qu’ont subit les Êzidi c’est aussi faire écho au génocide toujours en cours sur la population palestinienne. Parler de ces événements c’est refuser la passivité et le silence, parler de ces événements c’est refuser de se taire. Afficher une solidarité internationale est plus que nécessaire. Opposer aux politiques d’exterminations, de Daech à l’impérialisme, la force des peuples organisés pour eux mêmes et les possibilités de solutions démocratiques durables pour le Moyen Orient.

Face aux politiques génocidaires autonomie populaire !

Bijî berxwedana Şengalê !

Regards d’une jeune femme internationaliste à Shengal

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